Conflit et management. Bonne et mauvaise nouvelle.

Comment gérer les conflits au sein de ses équipes, en tant que manager ? Certainement l'une des questions que les cadres se posent le plus souvent. Cet article vous propose de savoir les identifier, les anticiper et, s'ils sont déclenchés, de les régler.

Conflit et management. Bonne et mauvaise nouvelle.
Photo de Javier Quiroga
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Définition n°1 : violente opposition de sentiments, d'opinions, d'intérêts. (Larousse)
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Définition n°2 : opposition de motivations ou de conceptions contradictoires chez une même personne ou au sein d'un groupe. (Larousse)

Avant d'aller plus loin, voici quatre réalités que je vous invite à garder en tête pour la lecture de cet article :

  1. Les conflits sont inévitables : "l'erreur est humaine", "personne n'est parfait", choisissez l'expression qui vous convient le mieux pour illustrer le propos.
  2. Les conflits sont de bons signes : celui que les collaborateurs en "ont quelque chose à faire".
  3. Les conflits sont la preuve de l'interaction entre les équipiers / services : le mouvement crée de la friction, pas l'inaction.
  4. Les conflits ne sont pas le problème : c'est plutôt votre organisation (celle dont vous êtes responsable ou non d'ailleurs), l'attitude de vos subordonnés, ou la vôtre.

Maintenant que nous parlons le même langage entrons dans le vif du sujet.

La littérature académique ne prévoit pas vraiment d'archétypes de conflits, aussi, je me suis permis de créer ma propre nomenclature.

Pour chacun d'entre eux, je vous propose une situation potentielle et le mécanisme comportemental que je préconise pour le manager :

1. Le conflit de valorisation

  • Situation réelle : deux équipiers collaborent sur un projet. Le premier insiste sur l'importance de respecter strictement le calendrier, tandis que l'autre préfère se concentrer sur la qualité, quitte à prendre plus de temps. Leur conflit principal et régulier se situe donc sur la manière d'harmoniser le "sous-résultat" attendu et, in fine, d'organiser le travail en fonction de la valeur donnée à chaque sous-résultat. Pour le premier le sous-résultat valorisé étant le respect des délais alors que pour le second le sous-résultat valorisé se concentre sur le niveau de qualité délivré.
  • Mécanisme comportemental : approchez chaque demande aux équipes comme un mini projet.
    D'une manière générale, chaque mission donnée aux équipes devrait s'organiser autour d'une mécanique de projet et son triangle de réussite : coût, qualité, délais, allégée de la notion de coût. L'idée est donc ici que le manager soit parfaitement clair sur ce qui est attendu et ce qui revêt une valeur réelle à ses yeux. La notion de "qualité" est particulièrement importante car elle est un concept donnant lieu à de très nombreuses interprétations personnelles. Le "cahier des charges", outil central en gestion de projet, serait ici le meilleur outil mais je me doute bien qu'il est impossible d'en rédiger à chaque sollicitation de l'équipe. Organisez une réunion pour insister sur ce qui est attendu, sans oublier de laisser un temps d'échange et questions / réponses pour permettre à vos subordonnés d'intégrer (au sens propre du terme) ce que vous attendez d'eux.
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Point d'attention au cours de cette réunion : comme il est tout à fait possible que certains de vos collaborateurs vous fassent remarquer une incompatibilité entre le calendrier souhaité et le niveau de qualité attendu, il est également tout à fait possible que certains, moins bien intentionnés, se servent de ce temps pour tenter de réduire, dans une idée de confort, le travail à accomplir.

2. Le conflit relationnel

  • Situation réelle : deux équipiers entrent en conflit de manière régulière en raison de différences de personnalité. Le premier est direct et froid dans sa communication, le second, plus sensible, reçoit systématiquement cette franchise comme une agression.
  • Mécanisme comportemental : médiation et gestion des émotions.
    Dans ce cas, si les deux collaborateurs ont envie de bien faire, vous pouvez intervenir en médiation. L'idée étant de rassembler les deux concernés pour leur permettre d'exprimer leurs ressentis. C'est véritablement le mot-clé ici car le conflit relationnel est souvent généré voire accentué par les ressentis. L'idée est d'aider les deux collaborateurs à comprendre l'impact de leur comportement sur l'autre et à trouver des moyens de communiquer.
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Attention à votre propre sensibilité dans cette situation car vous risqueriez de prendre, inconsciemment, le parti de l'un ou l'autre en fonction de votre propre style de communication.

3. Le conflit de pouvoir

  • Situation réelle : un manager arrive dans une équipe qu'il ne connaît pas et souhaite asseoir sa position, mais un collaborateur senior (au sens de temps passé sur le poste) remet constamment en question ses décisions, estimant qu'il a plus d'expérience et de légitimité.
  • Mécanisme comportemental : n'entrez surtout pas dans le jeu qui vous est proposé, de l'affrontement.
    En tant que manager votre objectif ici est d'asseoir votre autorité et votre légitimité sans sortir les armes. La première des choses à faire est de ne pas entrer dans ce que j'appelle la réponse radicale, c'est à dire de rejeter systématiquement ce que dit ce collaborateur ou, au contraire, de systématiquement le valoriser pour ne pas le froisser. Dans les deux cas, vous manifestez une soumission et un grand manque de confiance en vous et votre expertise. L'idée ici est donc de rester stable et régulier dans vos interactions avec ce dernier. En d'autres termes, les prises de décisions vous reviennent, mais les éléments dont vous avez besoin peuvent (et doivent d'ailleurs) en grande partie provenir de vos équipes, ce collaborateur inclus, son expertise étant clairement un avantage. Enfin, n'hésitez pas à déclencher un entretien individuel (que vous auriez dû faire à votre arrivée) avec ce subordonné pour "crever l'abcès". Il y a fort à parier que votre expert avait des vues sur le poste que vous occupez...
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J'ai écrit un article complet sur si vous souhaitez creuser le sujet de la légitimité du manager et comment la travailler

4. Conflit de valeurs

  • Situation réelle : l'équipe est divisée sur une décision éthique de continuer la relation commerciale avec une entreprise qui a des pratiques managériales discutables. Cette dernière est un client important. Se pose alors la question de la limite d'acceptation pour l'équipe. Certains sont d'accord pour continuer à travailler avec tandis que d'autres s'y opposent fermement en raison de leur propre système de valeurs.
  • Mécanisme comportemental : clarification des valeurs, ne pas hésitez à impliquer votre propre hiérarchie.
    Si les valeurs de l'entreprise ne sont pas clairement définies (je ne parle pas des valeurs mortes, mises sur le site pour attirer le candidat), peut-être serait-ce une opportunité de le faire. Dans ce cas, le manager doit solliciter sa propre hiérarchie. L'idée n'étant pas de fuir, mais de solliciter un niveau hiérarchique suffisamment élevé qui pourrait statuer véritablement.
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Attention aux répercussions de cette clarification des valeurs. Elle peut renforcer ou fragiliser l'attachement de certains collaborateurs à l'entreprise et in fine à l'équipe.

5. Conflit de périmètre

  • Situation réelle : deux employés de deux équipes différentes sont respectivement mandatés par leur propre N+1 pour intervenir sur un dossier. Aucun des deux n'est prêt à laisser la tâche qui lui a été confiée à l'autre.
  • Mécanisme comportemental : gestion du cas puis structuration pour les prochaines demandes.
    Ici, le mot-clé est "périmètre de responsabilité", c'est à dire le périmètre, autant contractuel que celui fixé par le manager via les objectifs, que le collaborateur doit respecter. Sa définition peut également provenir de ce que l'on appelle le "design organisationnel", c'est à dire le découpage des activités de l'entreprise. Dans le cas qui nous concerne, le manager a deux actions à mener : la première, prendre contact avec son homologue et organiser le solutionnement de la situation. Ceci est fait pour gérer "l'urgence" sans ralentir les opérations. La deuxième, toujours en collaboration avec le manager de l'autre service, prévoir la responsabilité pour la prochaine occurence. Si l'entente est impossible, ne pas hésiter à faire remonter l'état de la situation encore plus haut.

6. Conflit intergénérationnel / interculturel

  • Situation réelle : une équipe est composée de membres de différentes générations, de différents milieux sociaux et de différents pays (oui j'ai vraiment corsé l'affaire ici...). Les plus jeunes membres, souvent occidentaux, préfèrent les méthodes de travail flexibles et numériques, tandis que les plus anciens sont plus enclin à être attachés aux processus traditionnels et au travail en présentiel.

Mécanisme comportemental : création et soutien d'un cadre commun
Dans ce cas le manager tient littéralement l'allumette. S'il prend le virage de la diversité mal gérée, chaque équipier risque d'agir selon son code culturel. En effet, que l'on parle de génération, de nationalité, de catégorie sociale, de religion ou encore de politique, le mot commun ici est culture, car tout est culture. Aussi, je vais être direct : le cadre est défini pour tous et, c'est vous qui en êtes, au moins, le garant. Le rôle du manager est de permettre l'uniformisation de certains comportements. Pour cela il doit fixer une culture claire au sein de son périmètre d'autorité.

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Point d'attention : la culture repose sur des valeurs communément acceptées par l'ensemble. Si ces dernières ne sont pas claires et solides, les équipiers imposeront, (in)consciemment les leurs.

Pour vous laisser sur une note allégorique : voyez le conflit comme la friction entre un véhicule et l'air. L'aérodynamisme se travaille en amont, par une succession de petits réglages. Le conflit c'est pareil.

Tous mes vœux de succès

Olivier KAMEL


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