Manager avec la matrice du leadership situationnel

Chaque subordonné avec lequel un manager travaille est sur un chemin de maturité qui lui est propre. Le modèle de leadership situationnel d'Hersey et Blanchard s'intéresse à la réponse comportementale du manager selon les niveaux de maturité observés chez le collaborateur.

Manager avec la matrice du leadership situationnel
Photo de Shubham Dhage
Cet article s'appuie sur le modèle de leadership situationnel de Hersey et Blanchard (1970)*.

Le modèle Hersey-Blanchard considère que les membres d'une équipe sont tous à des niveaux de développements personnels et professionnels différents. De ce fait, le postulat de départ est donc que chaque collaborateur est "plus ou moins mature" et que le manager doit être en capacité de :

  1. détecter le niveau de maturité de ses collaborateurs,
  2. adapter son management en fonction de la conclusion effectuée sur le point ci-dessus.

Hersey et Blanchard établissent toutefois que ces niveaux de maturité sont dynamiques et peuvent évoluer, dans le bon comme dans le mauvais sens d'ailleurs, en fonction des aspirations et motivations de l'individu et de la qualité de l'accompagnement managérial reçu.

Dans cette publication, la maturité est définie par deux facteurs principaux :

  • la compétence directe : c'est à dire le niveau de connaissances acquises, les expériences passées et, au final, le panel de compétences qu’un employé est en capacité de mobiliser pour accomplir une tâche ;
  • la motivation personnelle : ici il est question de volonté de faire, d'être, de devenir, ainsi que de la confiance et de l’engagement qu'un employé manifeste pour prendre et assumer une responsabilité.

Cette réflexion préliminaire permet donc de définir quatre niveaux de maturité des collaborateurs qui donneront lieu à quatre réponses en termes de comportement managérial.

Entrons dans le vif du sujet.

Les niveaux de maturité selon Hersey et Blanchard.

M1, faible maturité

Faible compétence, faible motivation

Dans cette disposition, soyons clairs, vous êtes en face de personnes qui ne savent pas faire et qui ne veulent pas faire.

Généralement, elles sont là, quasi exclusivement, pour le salaire et les avantages que l'entreprise peut apporter. Elles ne sont pas dans une dynamique d'échange mais plutôt dans une logique d'utilisation de l'entreprise comme d'un outil de (sur)vie.

Sans vouloir faire de psychologie de comptoir, l'expérience montre que ces individus n'ont pas une ambition personnelle très développée et abordent souvent la vie considérant une fatalité de situation et de statut.

M2, maturité intermédiaire

Faible compétence, forte motivation

Les M2 sont ce que j'appelle la "version sublimée du collaborateur débutant".

Ils ne savent pas faire mais ont envie, sincèrement d'apprendre. D'une manière générale, ils ont le "cœur solide des volontaires" et affiche une mentalité très positive. Cette dernière provient généralement de deux facteurs :

  • une éducation personnelle, souvent depuis le cercle familial, valorisant ce type de comportements,
  • une envie de croissance psychologique, sociale et financière. Pour certains, ce dernier point peut ne pas relevant pas de l'envie de croissance pure mais du maintien, s'ils appartiennent à une famille aisée.

M3, maturité élevée

Forte compétence, assurance variable

Les M3 sont en maîtrise de la quasi-totalité du spectre de leur métier. Ils sont bons, et savent faire. Le défi qu'ils proposent aux managers peut être relatif à la confiance qu'ils ont en eux-mêmes. En effet, ces derniers n'ont pas toujours le temps de prendre le recul nécessaire sur eux-mêmes pour comprendre que, ça y est, ils ont atteint un niveau suffisant pour basculer peu à peu vers une autonomie plus importante.

M4, très forte maturité

Forte compétence, forte motivation

"L'élève finit par dépasser le maître".

Bon si ce n'est le dépasser, au moins le rejoindre en termes de compétences opérationnelles. Les M4 sont compétents, motivés et confiants. Ce sont des collaborateurs sur lesquels le manager peut s'appuyer en confiance.

Généralement, ils sont en demande de nouveaux challenges, régulièrement car, c'est la motivation et l'énergie de travail qui leur a permis d'atteindre cette posture de M4.

De ce fait, fort est à parier que cette énergie perdure et les pousse à en demander plus, pas nécessairement financièrement d'ailleurs mais au moins intellectuellement.

💡
Pour finir mon explication et nuancer le propos, il est important de comprendre que la notion de maturité n'est pas (systématiquement) liée à l'âge, les compétences intellectuelles, le nombre de diplômes ou encore le niveau de rémunération perçue. Il est question ici principalement de rapport au travail, en tant que concept général, mais aussi en tant qu'activité précise au sein d'une entreprise. Un M1 au sein d'une organisation peut tout à fait s'avérer être un M2 dans une autre voire un M4 encore ailleurs.

Les réponses comportementales du manager selon Hersey et Blanchard

Sur la base des quatre niveaux de maturité présentés ci-dessus, le manager va donc engager une réponse comportementale.

Cette dernière prend en compte deux dimensions principales :

  1. le comportement relationnel : c'est-à-dire le niveau d'écoute, de soutien, voire d'encouragement dont le manager va faire preuve vis-à-vis de ses collaborateurs ;
  2. le comportement directif : c'est-à-dire le niveau de supervision et de guidance que le manager appliquera dans ses interactions

Style Directif, S1 / En réponse à la maturité, M1

Diriger : fort comportement directif, faible comportement relationnel

Souvenez-vous, le style S1 s'adresse aux M1, c'est-à-dire des individus non compétents et non motivés, qui ne savent pas faire et n'ont pas envie d'être là.

Malheureusement pour tout le monde le manager, en tant que garant de la performance de son unité n'a aucun autre choix à court terme que d'adopter une posture directive, voire autoritaire lorsque les comportements, au delà de la "non motivation" deviendraient malveillants. Dans ce contexte, les instructions données sont très précises et le manager peut être amené à superviser/contrôler jusqu'aux tâches réalisées par les subordonnés, en opposition à la vérification de l'atteinte des objectifs de missions pour les autres niveaux de maturité.

Vous l'aurez compris, faire participer les subordonnés n'est pas central dans la démarche managériale d'un style S1 ce qui, j'en conviens, inhibe encore plus toute amélioration de la situation si certains des collaborateurs voyaient leur motivation augmenter.

Style Persuasif, S2 / En réponse à la maturité M2

Persuader : fort comportement directif, fort comportement relationnel

"Persuader" a ici plus valeur "d'expliquer". Le style S2 s'adresse à des individus qui ne savent pas faire mais ont envie d'être là. Le manager dit "persuasif" a donc une mécanique comportementale toujours ferme, dans la mesure où il fournit clairement la direction et les processus par lesquels l'atteindre, cependant l'aspect relationnel est un cran plus développé que dans le cadre d'un style S1. Sa posture est plus pédagogique et il prend le temps d'expliquer "pourquoi". Son objectif étant d'obtenir l'adhésion de ses équipes pour les sortir du bête et méchant "carotte ou bâton". Attention, ce management ne laisse pas pour autant la place à la conversation et à la participation des équipes. La relation reste encore, comme dans le cadre d'un style S1 quasi exclusivement descendante.

Style Participatif, S3 / En réponse à la maturité, M3

Faire Participer : faible comportement directif, fort comportement relationnel

Dans le style M3, le manager fait face à des individus compétents et motivés. La guidance stricte et forte n'est plus à l'ordre du jour mais le coaching et l'accompagnement pour favoriser la prise de confiance des équipes, si. La rigidité managériale n'est plus de mise car elle est remplacée par la rigueur individuelle des subordonnés. L'approche est beaucoup plus collaborative et les idées des subordonnées sont écoutées, valorisées et de plus en plus, adoptées.

💡
Attention : dans le cadre d'une politique de GEPP saine, il convient que les managers identifient et signalent aux services RH, notamment, les individus ayant atteint le niveau M3. En effet, je considère qu'un compte à rebours virtuel s'affiche au dessus de la tête de n'importe lequel des collaborateurs qui atteindrait ce niveau. La raison est simple : plus un collaborateur avance vers la compétence et l'autonomie plus il va falloir faire évoluer ses missions. C'est une question à anticiper dès l'identification du potentiel.

Style Délégatif, S4 / En réponse à la maturité, M4

Déléguer : faible comportement directif, faible comportement relationnel

C'est le Graal que tout manager éthique (adjectif important car certains souhaitent que leurs équipes leur restent inférieures pour tout un tas de raisons politiques et souvent d'ego) cherche à atteindre avec ses subordonnés : la confiance et l'autonomie. Dans ce style de management, une grande liberté est offerte aux subordonnés dans la manière dont ils abordent leurs tâches pour les accomplir.

💡
Dans la continuité de ma remarque sur les M3 et la GEPP, s'intéresser à la suite à donner à la carrière ou la progression d'un collaborateur M4 lorsqu'il est déjà M4 est...tout simplement trop tard. Avec le M4 il n'y a que 4 alternatives : soit vous avez de quoi l'alimenter et il restera dans l'entreprise, soit il partira, soit il cherchera à prendre votre place, soit n'ayant pas le courage de quitter le navire il pourrait se forcer à devenir.....M1.

Conclusion réflexive sur le modèle

Ce que ce modèle nous invite à faire est simple : accepter l'adaptabilité constante qu'implique le fait d'être manager. Mais pour arriver à de telles capacité adaptatives, le secret réside dans la capacité à identifier les différents types d'individus.

Imaginez un instant que vous traitiez le collaborateur M3 avec un style S1...celui qui a besoin d'être soutenu pour acquérir de la confiance supplémentaire se retrouverait cadré et encadré. Mauvaise pioche.

Enfin, ce modèle de management (ou leadership si vous préférez) situationnel d'Hersey et Blanchard connaît quelques limites. En effet, reposant sur 4 catégories, il est indispensable que le manager arrive à faire rentrer les collaborateurs dans l'une d'entre elles.

Ceci étant dit, nous le savons tous, l'être humain est complexe. Sa compétence et sa motivation varient selon les tâches, les environnements ou tout simplement son état d'esprit.

Un individu qui s'avèrerait être M2 sur une mission pour être un parfait M4 sur une autre, et inversement. Enfin, seul l'approche individuelle est considérée dans cette matrice, alors que le groupe et ses dynamiques sont particulièrement importants.

Tous mes vœux de succès.

Olivier KAMEL


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Quel coach pour m’aider en management ?
Olivier Kamel est spécialiste du management depuis 2013 et coach professionnel de managers (accrédité ACC par l’ICF).

*Hersey, P., & Blanchard, K. H. (1988). Management of Organizational Behavior: Utilizing Human Resources (5th ed.). Prentice-Hall.