Traité de communication assertive pour Managers
La communication assertive est, sans doute, l'un des outils les plus sous-côtés de toute l'histoire de la communication interpersonnelle, en management. Dans cet article je vous livre un véritable traité d'assertivité pour managers.
Si vous êtes manager vous le savez sans doute : une simple parole peut galvaniser vos troupes ou...les démoraliser, voire les braquer.
Et si vous êtes un manager soucieux d'améliorer votre pratique, il y a de très fortes chances que vous ayez déjà entendu parler d'assertivité. Mais, "faire preuve d'assertivité", "avoir une communication assertive" ou tout simplement "être assertif", de quoi est-il fondamentalement question ? Et surtout comment s'en servir lorsque l'on est manager ?
Ce sont, au minimum, les deux questions auxquelles je réponds dans cet article, toujours en mettant l'accent sur l'aspect actionnable de mes conseils.
Enfin, je préfère vous prévenir, si vous ne l'avez jamais expérimentée, la communication assertive pourrait bien radicalement transformer la manière dont vous communiquez, non seulement à titre professionnel mais aussi privé.
Les fondamentaux de la communication assertive.
Définition
L'assertivité se définit comme la capacité à exprimer ses pensées, sentiments et besoins de manière directe, honnête et respectueuse de soi-même et de son interlocuteur.
Elle repose sur trois principes fondamentaux :
- la congruence : l’authenticité, la cohérence interne, le fait d'être vrai, d'être soi-même, elle va de pair avec l’intégrité. Elle apporte la crédibilité et confère à la personne la possibilité d’obtenir un impact sur ses interlocuteurs ;
- la spécificité : le discours est concret, personnel et précis. Les propos sont sans équivoque et peu, voire pas, interprétables ;
- le respect mutuel : savoir faire la différence entre les personnes et les actes de ces dernières.
En d'autres termes, un manager assertif communique avec confiance tout en créant un espace propice au dialogue authentique (voir l'article Traité de leadership authentique).
La communication assertive est à l'équilibre entre la communication passive (lorsque le manager évite les conflits et s'excuse excessivement) et la communication agressive (lorsque le manager impose ses opinions). Son objectif est de permettre l'expression, dans une logique de construction, sans occulter les périmètres de responsabilités individuels et les positions hiérarchiques.
Attention toutefois, l'adoption de la communication assertive par une équipe, un service voire une entreprise, relève véritablement d'une philosophie comportementale, reposant, elle-même sur un jeu de valeurs comprenant, l'éthique, la congruence et l'intégrité.
En d'autres termes, les techniques de communication assertive que je m'en vais vous livrer plus bas ne sont en rien suffisantes si "l'esprit" de la communication assertive n'est pas respecté au travers des valeurs. La communication assertive ne se simule pas et ne peut pas se considérer comme une technique/outil que l'on mobilise à souhait, c'est une empreinte comportementale complète qui commence avec le leader de l'équipe et se diffuse sur le reste des membres.
Principes clés pour le manager
Pas de longs discours ici mais une liste, plus ou moins détaillée, des comportements constitutifs d'une communication assertive :
- définissez votre objectif de communication : chaque phrase prononcée doit le servir. Si vous n'en avez pas, vous risquez d'entrer dans la roue du hamster et courir très vite pour, finalement, ne faire que du surplace ;
- dites "je", ne dites pas "on" : "je pense que ...". Prenez la responsabilité de vos paroles, ancrez votre discours dans l'ici, le maintenant. Le "on" n'est que l'agent de la rumeur et la rumeur, c'est tout le monde et personne ;
- traitez en privé tout ce qui pourrait générer une émotion intense et/ou de l'inconfort chez votre interlocuteur ;
- ne faites jamais de comparaisons : oubliez les phrases du style "Anne-Sophie s'en sort toujours mieux que toi" ou "Je n'ai pas ces problèmes avec elle". Appréhendez et considérez l'individu pour ce qu'il a fait. D'ailleurs n'hésitez pas à recadrer gentiment un collaborateur qui se positionnerait en posture “d'Enfant" au sens de l'Analyse Transactionnelle avec une phrase du genre : "Oh j'imagine que tu aurais préféré mettre Anne-Sophie sur ce projet". Pour ce faire vous pourriez employer la formulation suivante "Ce n'est pas Anne-Sophie que j'ai mandaté sur ce projet, c'est toi, et c'est très bien comme ça, il y a simplement quelques ajustements à faire" ;
- répondez verbalement : faites des phrases et prononcez-les ! Evitez à tous prix les mimiques de visages, ne parasitez pas ;
- ne faites pas d'ironie : d'autant plus vrai si le contexte émotionnel de la situation est important, l'ironie demande stabilité et calme pour être reçue ;
- ne vous excusez pas : finies les phrases "Je suis désolé de te le dire" ou encore "Excuse-moi, mais ça, ce n'est pas possible" ;
- soyez précis, concret : phrase à bannir "Je ne sais plus quand mais, une fois tu as fait X" ;
- décrire les conséquences : qu'elles soient positives ou négatives, le fait de décrire les conséquences permet à votre interlocuteur de non seulement comprendre pourquoi vous dites ce que vous dites tout en ancrant son comportement et son rôle au sein de ce schéma ;
- regardez dans les yeux : il n'est pas question de dévisager ou de provoquer, ne sortez pas votre regard le plus noir, mais établissez naturellement une connexion visuelle sincère en gardant à l'esprit que vous souhaitez manifester du respect à votre interlocuteur ;
- exprimez vos sentiments et émotions : ne partez jamais du principe que votre interlocuteur, à la simple observation de votre visage, peut comprendre ce que vous pensez ou ressentez. Le plus simple dans ce cas est de le dire : "Cette situation me met très en colère". Ah, j'oubliais, pas la peine d'hurler en le disant.
Quels champs d'application pour la communication assertive ?
Maintenant que vous savez ce dont il est question et comment commencer à le mettre en place, explorons les situations et leur subtilités/spécificités dans lesquelles vous pourriez appliquer une communication assertive.
"Feedbacks"
Le "feedback" est sans doute, avec le conflit, le moment le plus approprié pour faire preuve d'assertivité. Ceci se comprend aisément car ce sont deux moments à haute intensité émotionnelle. Lors de "feedbacks", dites "je", soyez précis et expliquez les conséquences. Commencez déjà par ça et vous devriez pouvoir vous en sortir pas trop mal.
Gestion des conflits
Je viens d'en parler plus haut, je ne vous récite pas la messe une seconde fois. Il existe une méthode simple, qui s'inscrit parfaitement dans l'esprit de la communication assertive appliquée à la gestion de conflit : la méthode E.R.I.C.
A dire vrai, on se fiche de l'acronyme...
- Écoutez activement sans interruption : TOUTE démarche d'assertivité commence par récupérer le maximum d'informations dont vous pourriez avoir besoin, non pas pour répondre ou contrer, mais pour comprendre.
- Reformulez pour valider la compréhension : nous ne parlons pas tous la même langue, nous n'employons pas nécessairement les mêmes termes et/ou le même jargon. Assurez-vous d'avoir la même définition pour les termes clés de l'échange.
- Identifiez les points d'accord possibles : questionnez votre interlocuteur sur la ou les choses qui seraient de valeur pour lui et lui permettraient de sortir de ce conflit, interrogez, si possible, le système de valeurs
- Construisez une solution commune : si l'étape d'identification, juste au-dessus, a été correctement réalisée, vous ne devriez pas avoir trop de mal à poser les contours d'un accord.
C'est assez drôle mais en vous expliquant cette méthode, je m'aperçois que l'on est assez proche de certaines techniques de coaching.
Conduite de réunions
L'assertivité, dans le cadre de réunions, se manifeste beaucoup plus dans leur structuration et animation que dans le registre pur de la communication.
Voici quelques clés rapides :
- définissez les objectifs de la réunion : vous manifestez ainsi deux choses, le respect que vous avez pour les personnes conviées et le fait que vous avez un objectif de communication clair ;
- distribution préalable de l'ordre du jour : là encore, respect des individus au travers du respect de leurs attributions, compétences, responsabilités ou encore de leur position hiérarchique ;
- vérifiez (ou faites vérifier) l'allocation équitable du temps de parole ;
- gardez le contrôle sur la gestion des divergences d'opinions : si votre position hiérarchique ou fonctionnelle vous le permet, ne laissez pas votre place si l'arbitrage et la prise de décision vous incombent ;
- documentez (ou faites documenter) les décisions prises et les actions à venir.
Surmonter les obstacles à la mise en place d'une communication assertive dans vos équipes
Bon, si vous avez lu jusqu'ici, vous vous dites surement : "facile !", et vous n'avez pas nécessairement tort.
Les concepts autour de l'assertivité et de la communication assertive n'ont rien de compliqué, mais leur mise en pratique est parfois un chemin semé d'embuches.
Voyons lesquelles et comment y remédier.
Les blocages personnels
Passez d'une communication spontanée à une communication assertive n'est pas chose naturelle, ni aisée. Généralement, les individus font face à plusieurs barrières internes :
- la peur d'être perçu comme agressif : surtout si vous n'avez pas l'habitude de communiquer vos besoins et vos limites à vos interlocuteurs, ces derniers risquent de voir un changement significatif. Qu'on se le dise, vous ne serez pas devenu agressif pour autant ;
- la crainte du jugement des autres : dans la continuité du premier point, la communication assertive implique que vous ne soyez pas en manque affectif. Si vous cherchez la validation systématique de vos interlocuteurs, peut-être n'êtes-vous pas encore prêts ;
- le sentiment d'imposture : vous savez, cette petite phrase que l'on peut se dire parfois "non mais pour qui je me prends ?!". Si vous avez respecté les principes que je vous ai communiqués au début de cette publication, alors il ne vous reste plus qu'à chasser cette vilaine phrase de votre cerveau.
- l'inquiétude de blesser ou d'offenser : le mot-clé ici est responsabilité. L'idée étant qu'il est tout à fait possible que vous blessiez ou offensiez, mais la véritable question étant : "Ai-je blessé ou a-t-il été blessé ?", dans le premier cas vous êtes responsable, dans le second non.
Pour surmonter ces obstacles, une technique toute simple consiste à commencer par des situations à faible enjeu pour bâtir votre confiance avant d'aborder des contextes plus complexes et à plus fort enjeu.
La résistance de l'équipe
Soyons clairs, la fermeté qui accompagne la démarche de communication assertive peut parfois être reçue par les équipes comme une forme d'autoritarisme. Aussi, vos pouvez aider cette transition en :
- expliquant clairement votre démarche et ses bénéfices pour l'équipe : si vous avez suivi une formation ou un coaching, et que vous êtes à l'aise avec le fait de le dire, communiquez cette information à votre équipe, si vous avez simplement lu mon article...dites-le aussi ! ;-) ;
- démontrant votre engagement envers un dialogue ouvert : expliquez et montrez que cette démarche de progression vers l'assertivité n'a pas pour ambition de museler les équipes, et que le respect mutuel et l'écoute active sont deux notions fondamentales de la démarche. Bien entendu, soyez congruent et traduisez vos paroles en actes ;
- valorisant les retours constructifs : j'en parlais juste au-dessus, encouragez un dialogue ouvert et utilisez les fruits de ce dialogue ;
- accompagnant progressivement l'équipe dans ce changement : peut-être serait-il intéressant de faire suivre une formation à la communication assertive à vos équipes (n'hésitez pas à me consulter d'ailleurs, c'est l'une de mes spécialités).
Le mot clé, dans la démarche de changement est constance.
Si vous me connaissez un minimum vous savez sans doute que je considère que le manager est un marathonien, la communication assertive entre parfaitement dans ce champ lexical. Maintenez le cap en plein congruence tout en restant à l'écoute des préoccupations de vos collaborateurs.
Je vous le garantis, une fois les quelques écueils qui vous attendent sur le chemin et les résistances (potentielles) de l'équipe dépassés, vous ne ferez plus jamais marche arrière.
Tous mes vœux de succès.
Olivier KAMEL
Que vous souhaitiez faire un point sur vos pratiques, que vous soyez face à un défi managérial, ou encore que vous souhaitiez vous lancer sur un chemin de transformation, je vous offre 30 minutes de mon temps pour en discuter avec vous.